Développement du réseau d’économie conventionné

Version PDF téléchargeable ici

Un système d’économie alternative conventionnée

Actualisant et étendant les principes qui ont fondé la Sécu, le projet de Sécurité sociale écologique universelle veut associer l’élargissement des droits au développement d’un vaste réseau d’économie conventionnée capable de répondre aux besoins essentiels du plus grand nombre hors emprise capitaliste.

Allant bien au delà de la fixation des tarifs de remboursement des activités répondant aux droits, le conventionnement engagerait chaque structure du réseau à respecter des objectifs sociaux, écologiques et de fonctionnement démocratique associés aux impératifs de mutation à mettre en œuvre. Des procédures d’évaluation des impacts concernant les choix et des actions réalisées seraient instituées.

Les modes d’organisation et de gestion collective, publique ou coopérative seraient favorisés, visant le développement d’une économie des communs, en gouvernance partagée et propriété gérée collectivement hors logique de profit.

Au-delà du respect des critères de conventionnement à l’échelle des structures, afin de relever collectivement les défis écologiques et sociaux du 21ème siècle, les membres du réseau conventionné participeraient, avec les bénéficiaires et les organisations citoyennes et syndicales concernées, à l’élaboration des plans de transformation du système de production prévus par la SSEU. Ces plans viseraient notamment :

  • la relocalisation et la dé-financiarisation des activités industrielles nécessaires à la garantie des droits, en vue de les conventionner, moyennant la limitation de leurs productions aux besoins, la sécurité du personnel et de la population, l’augmentation de leur efficacité énergétique et leur préservation des ressources.
  • l’organisation des transports au sein du réseau conventionné, priorisant le transport ferroviaire et réduisant les distances d’approvisionnement autant que les distances entre les domiciles et les lieux de travail.
  • le développement des « low tech* » et de l’économie circulaire favorisant la remise en état des objets et la réutilisation des matières premières récupérées.

Toutes les initiatives citoyennes et les innovations écologiques et sociales aujourd’hui à l’œuvre pourraient trouver leur place et se développer dans ce système visant la multiplication des projets alternatifs à grande échelle.

Afin de soutenir le mouvement de transformation souhaité, des formations et des accompagnements seraient proposés aux structures conventionnées. Ces formations et ses accompagnements concerneraient notamment :

  • les modes de gouvernance et de décisions collectives, ainsi que la régulation des conflits au sein des organisations,
  • les enjeux écologiques et de décroissance des consommations en énergie et en ressources,
  • la relocalisation optimale des échanges au sein du réseau conventionné, avec facilitation des coopérations entre les membres.

Afin d’étendre rapidement ce réseau conventionné et de répondre à l’ensemble des objectifs visés, nous envisageons le financement d’une part importante des salaires et des investissements nécessaires par les caisses de SSEU.

Ces apports seraient contractualisés avec comme contre-parties :

  • un engagement concernant les productions réalisables, en vue de couvrir les besoins dans le respect des objectifs écologiques et sociaux collectivement déterminés,
  • un accord sur les besoins en investissements et en nombre de personnes travaillant, afin de remplir les objectifs fixés,
  • la définition et le contrôle des étapes de progression pour parvenir au respect des critères écologiques et sociaux définis par le conventionnement,
  • la limitation des écarts de salaires et le reversement d’une part importante de la valeur ajoutée, en proportion des financements accordés.

Ce réseau d’activités économiques et de services conventionnés développé sur tous les territoires, constituerait la base d’un système d’économie alternative, organisé en réseau et géré par et pour les bénéficiaires, avec les organisations citoyennes et les syndicats partie-prenants et les salarié.es et les professionnel.les concerné.es.

Conventionnement et agrément

Compte tenu de l’étendue des droits mis en œuvre, il n’est pas envisageable que le réseau conventionné puisse être rapidement en capacité de couvrir l’ensemble des besoins.

Parallèlement à l’organisation et au développement des structures respectant les critères et portant les objectifs du conventionnement, les instances et caisses de SSEU pourraient agréer différents prestataires permettant des garantir l’accès aux droits à toutes et tous dés leur mise en œuvre.

Sur la base d’un contrat annuel à renouveler, les prestataires agréés devraient respecter des critères moins exigeants que ceux du conventionnement. Les critères d’agrément seraient définis collectivement par les instances démocratiques de la SSEU.

Seul le prix des prestations réalisées leur serait remboursé. Ils ne pourraient prétendre à aucun financement complémentaire de la part de la SSEU, sauf choix de leur part d’entrer dans le conventionnement.

Socialisation des moyens de production

Des mesures exceptionnelles pourraient être prises concernant les infrastructures et les patrimoines, qu’ils soient productifs, fonciers ou immobiliers, indispensables à l’accomplissement des missions de sécurité sociale et écologique.

L’urgence écologique impose notamment des réponses collectives d’ampleur. Pour autant, une grande part des moyens de production nécessaires à cette mutation ne sont pas aujourd’hui à la disposition de la collectivité.

Dans un contexte de nécessité accrue, au-delà des éventuelles préemptions ou nationalisations qui pourraient être imposées par l’État aux propriétaires de biens et d’infrastructures répondant à l’intérêt général, un contrat social et écologique visant la construction d’une économie des communs pourrait être proposer.

En alternative aux préemptions et aux nationalisations, les détenteurs des biens concernés pourraient alors transformer la valeur de leurs propriétés en parts sociales coopératives permettant à la Sécurité sociale et écologique universelle de remplir ses objectifs.

Dans les structures coopératives, le nombre de parts sociales correspondant au capital détenu est dissocié du pouvoir de décision des personnes concernées, sur la base d’une voix par personne associée.

L’usage et la gestion de ces biens seraient ainsi placés sous gouvernance démocratique impliquant majoritairement les personnes y travaillant et les bénéficiaires des productions de biens et de services concernés.

Jusqu’à atteindre la garantie de l’ensemble des droits SSEU, cette conversion des biens détenus en parts sociales coopératives ne donnerait droit à aucune rémunération, aucun remboursement sauf besoin avéré, ni aucune augmentation possible de leur valeur. Par la suite, ces opérations seraient soumises à des conditions limitatives strictes, sous décision et contrôle des instances démocratiques de la SSEU

L’ensemble du travail et des investissements effectués dans le cadre des missions de la SSEU seraient ainsi mis au service de l’intérêt collectif, hors logique de profit des propriétaires de biens nécessaires à la collectivité.

Notons que dans notre contexte de dégradation globale, ces mesures pourraient au final devenir des mesures de protection des patrimoines pour celles et ceux qui en resteraient propriétaires sous forme de parts sociales coopératives.

Concernant les secteurs économiques contraires à l’intérêt collectif ou dévastateurs sur les plans écologiques et sociaux, les outils de production seraient voués à la reconversion, à la réduction d’activité, ou la mise à l’arrêt.

La propriété de ces moyens de production devraient alors faire l’objet de mesures d’expropriation et de dépollution obligatoire imposées par l’État.

Une monnaie Sécu dédiée au réseau

Sans que cela constitue un moyen de financement, il semblerait pertinent d’envisager la mise en place d’une « monnaie nationale Sécu » complémentaire de l’euro, fondée sur les mêmes principes que les « monnaies locales complémentaires* ».

Cette monnaie Sécu serait dédiée aux règlements par les caisses de SSEU d’une part des financements et droits couverts par les structures conventionnées.

Le principe de fonctionnement serait que les différents droits garantis par la SSEU soient attribués aux bénéficiaires via l’utilisation d’une carte vitale multi-secteurs. Cette carte donnerait accès à un montant défini en équivalent euro concernant l’alimentation, le logement, l’eau et l’énergie au sein du réseau conventionné.

Une fois ces droits utilisés par les bénéficiaires auprès des professionnels conventionnés, les caisses de SSEU verseraient aux professionnel.les concerné.es les sommes correspondantes. C’est le système qui fonctionne aujourd’hui pour les frais médicaux pris directement en charge par la Sécurité sociale dans le cadre du dispositif de « tiers payant ».

Si ces règlements par les caisses de SSEU se faisaient en euros, les professionnels pourraient les utiliser comme ils le souhaitent dans leurs échanges avec les autres acteurs du réseau conventionné, ou en dehors sans que cela puisse être orienté ou contrôlé. A contrario, si ces règlements par les caisses de SSEU se faisaient au moins en partie en monnaie Sécu, cette monnaie dédiée ne serait utilisable par les professionnels conventionnés qu’entre eux.

Ce système garantirait que les montants ainsi versés par les caisses de SSEU, continuent de circuler entre les structures et les acteurs économiques respectant les critères et portant les objectifs sociaux et écologiques définis collectivement.

Concrètement, plus les droits garantis par la SSEU concerneraient des secteurs d’activité différents, plus les membres du réseau conventionné seraient nombreux et diversifiés dans leurs productions de biens et de services, et plus ils pourraient répondre à leurs propres besoins auprès d’autres membres conventionnés.

Sachant que les besoins d’approvisionnement en biens et services ne seraient pas totalement couverts en interne au sein du réseau, surtout dans les premiers temps, il s’agirait d’évaluer la part des règlements effectués qui devrait être réalisée en euros et celle qui pourrait être faite en monnaie Sécu.

Le principe des monnaies complémentaires, principe légal auquel répondent toutes les monnaies locales existantes aujourd’hui, est que le montant de monnaie complémentaire circulant parmi les membres doit avoir son équivalent en euro mis en réserve. Cela garantit la possibilité aux utilisateurs de pouvoir récupérer la valeur de cette monnaie en euro en cas de nécessité.

Sans nécessité de changer le cadre légal, il pourrait en être de même pour la monnaie Sécu.

Cette réserve pouvant devenir conséquente, il pourrait être opportun de constituer ou conventionner une structure financière dédiée, sous gestion et contrôle des instances de la SSEU, permettant d’octroyer des prêts sans intérêt.

Ces prêts viendraient compléter les subventions d’investissement accordées directement par les caisses de SSEU à partir des cotisations collectées pour répondre aux objectifs fixés collectivement.

Moyennant un changement d’échelle, cela pourrait être réalisé par le conventionnement spécifique d’une structure financière coopérative telle que la NEF* qui a déjà le statut de banque et qui partage les valeurs essentielles de la SSEU.

Services publics et réseau conventionné

Les services publics conventionnés devraient respecter les critères et porter les objectifs de la SSEU.

Cela concernerait les services publics qu’il faut rétablir et redévelopper concernant la santé, l’énergie et l’eau notamment.

Au-delà, pour permettre à la SSEU d’accomplir pleinement ses missions de santé publique, la mise en œuvre d’un service public du médicament semble aussi essentiel.

D’autres services publics pourraient être institués concernant l’alimentation et le logement en complémentarité avec le réseau privé conventionné correspondant.

Le conventionnement de ces services publics pourrait notamment impliquer la participation majoritaire des bénéficiaires et des salarié.es dans leurs instances de décision.

Pour répondre au mieux à leurs missions de sécurité sociale et écologique, les choix de développement, de financement et d’organisation de ces services seraient déterminés avec les instances démocratiques de la SSEU, qui en assureraient le contrôle et l’évaluation.

Ce fonctionnement placerait ainsi les services publics concernés sous la responsabilité des assemblées et des conseils de la SSEU plutôt que sous la tutelle de l’État.

Cela instituerait un mode nouveau de gestion démocratique des services publics associés à la SSEU, impliquant la population plus que l’État pour garantir leur pertinence au regard de l’intérêt collectif et général.

La SSEU n’aurait pas vocation à gérer l’ensemble des missions de service public, pas plus que la cotisation ne pourrait se substituer à l’impôt. Pour autant, on pourrait envisager d’adapter et d’étendre un mode similaire de gestion démocratique à l’ensemble des services publics d’intérêt général